Michel RACIMOR
Michel Racimor, Melekh à l’origine (qui signifie roi – prononcer Maïlokh, en yiddish), est né le 8 juillet 1920 à Varsovie. Il a été déporté le 31 juillet 1944 à Auschwitz par le convoi 77.
La famille Racimor a fui la Pologne pour venir vivre à Paris et s’est installée rue des Rosiers à Saint-Ouen vers 1922.
Le père de Michel, Lazare, est ouvrier chez Renault. Sa mère, Thérèse, s’occupe de ses quatre enfants, Joseph, Michel, Rachel et Marie. Ils habitent dans un HLM près de la Porte de la Chapelle. À 13 ans, Michel obtient son certificat d’études primaires mais est obligé de travailler pour aider sa famille. Il occupe de petits emplois mais n’apprend pas de métier. La famille n’est pas pratiquante mais Michel étudie quelque temps auprès d’un rabbin pour faire sa bar-mitsva. Il se fera renvoyer pour avoir manqué de respect à son rabbin (les enfants lui ont collé la barbe sur la table avec de la cire de bougie alors qu’il dormait) et ne la fera pas.
De sa vie d’avant la guerre, moi sa fille, je sais peu de choses, sinon qu’il adorait sa mère et lui donnait toute sa paye. Lazare obtint la nationalité française et fit naturaliser toute sa famille.
Les parents et les deux sœurs de Michel ne reviendront pas d’Auschwitz et je ne les ai pas connus.
De son passage dans les camps, il racontait peu. À l’adolescence, en insistant, j’ai obtenu des informations.
De passage à Paris, après un séjour en zone libre, il est arrêté, dans le métro, par un agent de police. Ne voulant pas présenter ses papiers, il est envoyé à Drancy puis déporté.
À Auschwitz, il a rencontré son père et a essayé d’adoucir ses conditions de vie autant que possible. Au moment de la débâcle, son père a refusé de rester avec lui pour ne pas abandonner ses amis et il ne l’a jamais revu. À Auschwitz, il a connu Serge Iglicki, qui est resté son « frère de camp » pendant toute sa vie. Pendant la « marche de la mort », Michel, à bout de souffle, a sauté dans les fourrés, ne s’est pas fait prendre, et au matin, s’est enfui dans les bois avec un compagnon qui avait fait la même chose.
Après la guerre, revenu à Paris, il vit avec son frère dans l’appartement de leurs parents. Il apprend par d’anciens amis que Marie Stokfisz, dont il connaissait la famille, est rentrée d’Auschwitz où elle y a rencontré ses sœurs. Les amis organisent une rencontre. Marie habite avenue Wilson à la Plaine-Saint-Denis, très près de la Porte de la Chapelle.
Ils se marient le 15 juin 1946.
Michel vient habiter dans l’ancien appartement des parents de Marie et reprend leur commerce de chiffons, rue du Landy. Marie a perdu ses parents et son frère aîné, Henri, à Auschwitz mais son jeune frère, Armand, en est revenu. Armand s’occupera du petit commerce de biffin, à la Maubert-Mutualité. Les beaux-frères sont associés mais Armand aura toujours des difficultés et Michel devra souvent subvenir à ses besoins (Armand épousera Fanny Stopek et aura deux enfants).
Michel et Marie ont eu deux enfants : Madeleine (moi), née le 11 avril 1947 et Catherine, née le 1er juin 1952.
Michel travaille dur mais il aime ce qu’il fait. Il gardera l’entreprise Racimor et Cie jusqu’à sa retraite. Vendue à un repreneur, il y reste encore cinq ans et ne la quittera que sur l’insistance de Marie, qui veut aller vivre à Cannes.
Madeleine s’est mariée et a divorcé 15 ans après. Deux petits-enfants pour Michel, Johanna, née en 1970, et Lionel, né en 1973.
Catherine a épousé Claude et donné naissance à Alexandre et Déborah.
Michel est un homme enjoué et sympathique, qui adore plaisanter. Très absorbé par son travail, il n’est pas très intéressé par la vie de la famille et laisse à Marie le soin de tout gérer. Les enfants, ce n’est pas son domaine. J’ai, cependant, le souvenir d’un père aimant, gentil et que je suivais partout pendant les vacances. Il m’a appris à nager, jouer au volley-ball, à la pétanque…
Michel est toujours resté lié à Serge Iglicki. Serge et Lili ont eu trois garçons qui ont été mes compagnons d’enfance et avec lesquels je suis encore en relation.
Michel et Marie ont longtemps vécu à La Plaine-Saint-Denis. Marie souhaitait quitter l’appartement de ses parents, chargés de tristes souvenirs, mais Michel était près de l’usine et aimait rentrer déjeuner chez lui le midi. Ils finirent par déménager pour habiter rue Marcadet, sur l’insistance de Catherine et Claude qui étaient installés tout près. Ayant pris l’habitude de passer des vacances à Cannes, ils y achetèrent un appartement et s’y installèrent.
Nombre de leurs amis y vivaient également et Michel y trouva une vie sociale agréable. Ce ne fut pas le cas de Marie, très dépressive, qui créa petit à petit un vide autour d’elle.
La vie de Michel bascula lorsque, à la suite d’une opération malencontreuse, il fut amputé d’une jambe. Des soucis de santé, il en avait eus, mais ce handicap lui fut très pénible. Il continua tout de même à se promener sur la Croisette, sur un engin électrique, à plaisanter et à sourire aux personnes qu’il rencontrait.
Sa force de vie lui a permis de résister aux privations et aux souffrances du camp. Toute sa vie, il a aidé les autres, son frère Joseph, son beau-frère Armand, son ami Serge. Il n’a pas fait fortune car il n’avait pas la bosse du commerce mais il a travaillé et fait marcher son commerce dans les règles de droiture et d’honnêteté qui répondaient à ses valeurs.
Il est décédé à Cannes en 2005 et a été enterré au cimetière de Bagneux, près de Marie.
Madeleine, merci pour ce témoignage. C’est bien aussi que tu aies mis les photos de « ces » jeunes gens qui ont été si malmenés par la folle histoire du monde.
Bon WE. Bises.
Françoise
En hommage à toutes les personnes de ma famille déportées à Auschwitz, un poème écrit après avoir lu leurs noms sur le mur du mémorial de la Shoah. Madeleine
Aux miens
Lazare, Thérèse, Charles, Hanna,
Henri, Marie, Rachel,
disparus que je n’ai jamais vus
Michel mon père, Marie ma mère
vous êtes avec eux sur ce mur.
et moi j’ai vu vos noms
avec des milliers d’autres
ceux des morts et ceux des vivants
Que faites-vous sur ce mur
ma famille ?
J’ai senti votre torture
Je vous ai touchés sur la pierre froide
mais vous êtes ailleurs
Où êtes-vous ? Dans le mur,
Dans le vide ? Dans la nuit ?
Le temps est mort, la vie est morte
J’ai froid
Je ne vous oublie pas
Je vis avec vous
Vous ne savez pas que j’existe
Vous ne savez pas que je viens de vous
vous êtes figés dans ce temps mort d’avant moi
Vous êtes dans une bulle que je ne peux atteindre
Vous êtes partis mais vous êtes là avec moi
Non, c’est moi qui suis avec vous
Je suis dans ce camp
Pourquoi ?
Je cherche vos visages derrière dedans
Je marche vers vous fuyants
J’avance dans une lumière trouble
Je tâtonne, je trébuche,
Je vous vois au loin de l’absence
Je touche votre transparence
Vous êtes là très près
dans les boîtes de verre
Vous êtes là enfermés
Vous m’attendez…
Madeleine,
Merci pour ce témoignage. Et pour ton poème. Tu m’as fait pleurer.
je t’embrasse tendrement et fraternellement
Alain
Merci Madeleine pour ce témoignage et ce poème. Bises
Jean-Luc (Nano)
Lazar, Thérèsa et leurs filles Marie et Rachel sont arrivés de Saint-Etienne à Drancy le 28 MAI 1944; ils ont été arrêtés en avril 1944, selon des archives de la Loire.Ils ont déportésle 30 mai par le convoi 75.
Bonjour Madeleine,
Je souhaiterai vous adresser des photos de votre papa, Rachel et Marie.
Bonnes fêtes,
Bien à vous,
Marc GANILSY
Cher monsieur,
j’ai transmis votre demande à Madeleine RACIMOR et lui laisse le soin de vous répondre directement. Bien à vous.
Serge JACUBERT